L’été est dernière nous, c’est la fin des chaleurs, la rentrée pointe son nez, nous entrons dans le mois d’Eloul …
Selon la Torah, le mois d’éloul est le 6ème mois de l’année (car le mois de Nissan y est en effet appelé le «premier mois» (Chemoth 12, 2). Mais, par rapport à Roch hachana, le mois d’Eloul est le 12ème et dernier des mois de l’année juive et celui du bilan et de l’introspection avant les jours solennels de Roch Hachana et de Yom Kippour.
Il va de la mi-août à la mi-septembre dans le calendrier grégorien (parfois à la mi-octobre, certaines années).
On voit le mot éloul une seule fois dans le Tanakh, dans le livre de Néhémie (lors de la reconstruction de la muraille de Jérusalem) : « Et la muraille fut achevée le vingt-cinquième jour du mois d’éloul, en 52 jours. » (Néhémie 6, 15). Eloul est une période où on regarde tous les recoins de son coeur ; on réfléchit sur l’année passée, sur ce que l’on a fait, sur les domaines où on a progressé, sur ceux où on a reculé. On fait un bilan, on examine notre compte rechbon חשבון , et on fait aussi des projets pour l’année à venir.
Que s’est-il passé en Eloul ?
Le repentir grâce à l’intelligence
La tradition talmudique énumère trois événements qui se sont produits pendant le mois d’éloul :
C’est le 1er éloul que Moïse est remonté sur le Mont Sinaï pour y recevoir les secondes Tables de la loi, et il en est descendu quarante jours plus tard, le 10 Tichri, soit le jour de Yom kippour. C’est cette période qui, depuis lors, est considérée par nos Sages comme la plus propice à notre élévation spirituelle.
Selon Rabbi Eliézèr, contrairement à Rabbi Yehochou‘a qui situe cet événement en nissan, c’est en tichri que l’univers a été créé (Roch hachana 11a). Il s’ensuit, si l’on considère que notre Roch hachana marque l’anniversaire du premier homme et de la première femme, que le premier jour de la « Création » s’est situé le 25 éloul. C’est le 17 éloul que sont morts les explorateurs qui avaient calomnié Erets Yisraël (Bamidbar 14, 37). Ils avaient présenté leur rapport le 8 av, et Hachem était resté en colère pendant quarante jours, autant qu’avait duré leur mission. Le 17 éloul a donc été le jour de leur mort (Séfèr ha-toda‘a, chapitre 35).
« Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi »
Le mois d’Eloul doit servir de préparation aux jours de repentir et de jugement. Le Ari ז’’ל y trouve une allusion dans le verset (Chemote 21,13) se rapportant à l’auteur d’un homicide involontaire : « Et (pour) celui qui n’avait pas guetté (sa victime) et dont la main a été dirigée ( אינה לידו ) par Dieu, je te fixerai
( ושמתי לך ). Les initiales des mots ושמתי לך אינה לידו
forment le mot אלול . À l’instar d’une ville de refuge assurant une protection à l’auteur d’un homicide involontaire, le mois d’Eloul épargnera à celui qui s’amende et se repent, les rigueurs du jugement.
Le Michna Beroura (581,1) rapporte l’allusion bien connue trouvée dans le verset (Chir ha-Chirim 6,3): אני לדודי ודודי לי « Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi. » Les initiales de ces quatre termes hébraïques forment le mot אלול. En outre, ils se terminent, chacun, par la lettre י , dont la valeur
numérique est égale à dix – soit quarante au total pour les quatre י contenus dans cette expression. Ils font allusion aux quarante jours de miséricorde, incluant le mois d’Eloul et les dix jours de pénitence, durant lesquels le peuple d’Israël et le Saint, béni soit-Il, se rapprochent l’un de l’autre.
Une michna (Avot 5,21) enseigne : « À quarante, l’intelligence (Bina) .» En général, on comprend : à quarante ans, l’homme parvient au faîte de son intelligence. Mais, on peut l’expliquer ainsi : pendant ces quarante jours, l’homme examine ses voies et ses actions à la lumière de son intelligence, corrige ce qu’il faut et s’amende, comme il est dit (Yecha’ya 6,10) : « Son coeur comprendra (yavin), il se repentira et sera guéri. »
Au mois d’Eloul, la Chekhina est plus proche
On pourrait se poser la question suivante : puisque l’on peut se repentir chaque jour, à tout moment, quelle est la particularité du mois d’Eloul ? La réponse se trouve dans le verset : « je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi.» En ce mois, « mon bien-aimé est à moi », Dieu est proche de nous ; Il attend notre repentir et accueille favorablement même celui d’un seul individu. Car le repentir de toute une collectivité est toujours agréé, comme l’écrit Rambam (Hilkhot Techouva 2,6). Bien que le repentir et le cri (de supplication) soient toujours bons, pendant les dix jours entre Roch Hochana et le jour de Kipour, ils sont encore meilleurs et agréés immédiatement, comme il est dit (Yecha’ya 55,6) : « Recherchez l’Éternel quand Il se trouve (là). » À qui s’appliquent ces propos ? À un individu isolé. En revanche, une collectivité est exaucée, quel que soit le moment où elle se repent et crie à l’unisson, d’un coeur entier.
Une allusion supplémentaire peut être perçue dans le verset (Devarim 30,6): « L’Éternel ton Dieu circoncira ton coeur et le coeur ( את לבבך ואת לבב ) de ta descendance. » Les initiales de את לבבך ואת לבב forment le mot Eloul. Cela nous enseigne que ce mois est un temps propice pour chaque Juif désireux de réparer, par le repentir, les atteintes portées à son âme et risquant de se répercuter aussi sur celles de ses descendants.
Eloul – exploration
Comme on le sait, les noms des mois de l’année juive ne sont pas mentionnés dans la Torah. Le mot אלול, d’origine araméenne, a le sens d’exploration. Ainsi, il est écrit (Bamidbar 13,2) : « qu’ils explorent la terre de Canaan » et, dans sa traduction en araméen, Onkelos rend le verbe «explorent» par ויאללון . En effet, ce mois doit être consacré à l’«exploration», puis à la correction de nos défauts et de nos mauvaises actions en prévision du jour du Jugement, comme il est écrit (Eikha 3,40) : « Examinons nos voies, scrutons-les et revenons jusqu’à l’Éternel. »
Eloul – dans le tremblement, l’effroi (eima) et la crainte (yira)
Toute personne comparaissant en jugement est saisie d’une grande frayeur. Ainsi, le roi David était courageux et fort, comme en témoigne le verset (II Chemouel 17,12) : « Il était vaillant, un homme au coeur de lion. » Néanmoins, il déclare (Tehilim 119,120) : « Ma chair frissonne de la terreur que Tu inspires et je redoute Tes jugements. » De même, celui qui veut remplir parfaitement sa tâche en ce mois d’Eloul doit examiner ses voies dans la crainte des jours du Jugement.
On y trouve une allusion dans le verset (Amos 3,8) : « Le lion (אריה) rugit ; qui n’aurait peur ? » Les lettres du mot אריה sont les initiales de אלול , Eloul, ראש השנה , Roch Hachana, ,יום כפור , Yom Kipour et הושענא ,רבא Hocha’na Raba. À l’approche de ces jours redoutables, « qui n’aurait peur ? ».
La vie grâce au mois d’Eloul
Celui qui aura mis à profit les jours du mois d’Eloul pour se renforcer dans la crainte du Ciel aura le mérite d’être inscrit dans le livre de la vie. C’est pourquoi la valeur numérique de (68= אלול , en comptant un de plus pour le mot lui-même) est égale à celle de חיים , la vie.
Intensifier la prière, le repentir et la charité en Eloul
Il faut se renforcer tout particulièrement dans trois domaines : le repentir, la prière et la charité, évoqués par les mots קול , la voix de la prière, צום , le jeûne dans le cadre du repentir, et ממון , l’argent distribué aux pauvres. La valeur numérique de chacun de ces mots est égale à 136. Or, on parvient au même total en additionnant la valeur numérique de la première lettre de Eloul (1 = א), celle des deux premières (31 = אל ), puis des trois premières (37 = אלו ) et enfin celle des quatre ensemble 136 = 67 + 37 + 31 + 1 ; (אלול =67)
Accomplir de nombreux actes de générosité au mois d’Eloul
Il faut aussi multiplier les témoignages d’amour et de bonté ( חסד ). Cette idée est évoquée dans la valeur numérique de 67( אלול ). En ajoutant quatre de plus (puisque ce terme comprend quatre lettres) et encore un (pour le mot lui-même), on arrive à 72, nombre correspondant à la valeur numérique de 72 = 4 + 60 + 8 (חסד )
La ferveur redoublée dans la prière, recommandée pendant ce mois, traduit un renforcement de la foi et de la confiance en Dieu. C’est pourquoi les lettres du mot אלול sont les initiales de אנו ליה ועינינו ליה , « Nous sommes à Dieu et nos yeux (sont dirigés) vers Dieu » (voir Souca 51b).
Eloul – un temps d’éveil
Il est d’usage dans toutes les communautés juives de sonner du Chofar ces jours-là pour inciter les fidèles à se repentir sans attendre le jour du Jugement. On peut y voir une allusion dans cette recommandation du Talmud (‘Erouvin 18b) : « Après un lion, et non après une femme. » Au sens littéral, on comprend qu’il est préférable de marcher derrière un lion que derrière une femme, de peur d’en arriver à des pensées impures. Cependant, sachant que le Lion est le signe du zodiaque du mois d’Av, et la Vierge celui du mois d’Eloul, on peut donner cette interprétation allégorique : il vaut mieux se repentir dès le mois d’Eloul, juste « après le lion », c’est-à-dire après le mois d’Av, associé au Lion, sans attendre jusqu’en Tichri, « après la femme », c’est-à-dire après le mois d’Eloul, associé à la Vierge.
Le signe zodiacal du mois d’Eloul – la Vierge
Selon Ramban, le lien entre ce mois et le signe de la Vierge révèle l’amour du Saint, béni soit-Il, pour la communauté d’Israël. Cependant, on peut y percevoir aussi une autre idée. Un pécheur est comparable à une femme adultère, interdite ipso facto à son mari. Dans ces conditions, comment les Enfants d’Israël peuvent-ils revenir auprès du Saint, béni soit-Il, après leurs infidélités ? La réponse apparaît dans Son appel (Yirmeya 31,20) : « Reviens, vierge d’Israël ! » Il considère l’assemblée d’Israël comme une jeune fille vierge n’ayant jamais fauté. Comme l’écrit le Rav Kook (Orot Israël 5,6) :
« Toutes les images du monde n’ont laissé aucune empreinte sur l’authenticité foncière de la communauté d’Israël. Toutes les conceptions, toutes les cultures variées qui ont exercé et exercent encore une influence dominante sur l’esprit humain d’un bout à l’autre du monde, n’ont pas réussi à changer du tout le libre rayonnement de la lumière divine sur la communauté d’Israël. Elle est sans défaut. Elle n’a porté aucun joug. Elle est encore vierge ; aucun homme ne l’a connue. Elle est tombée, mais elle ne continuera pas à tomber. Lève-toi, vierge d’Israël ! » De même, chaque Juif se considère comme s’il venait de renaître, sans mérites ni torts antérieurs, comme s’il commençait son oeuvre en ce jour.
En Eloul – comme un homme nouveau
Le repentir n’implique pas simplement l’effacement des fautes passées, mais crée pour ainsi dire un homme nouveau. Ainsi, Rambam (Hilkhot Techouva 2,4) écrit – « Le repenti change de nom, comme pour dire : je suis quelqu’un d’autre. Je ne suis plus la personne qui avait accompli les mauvaises actions. » Telle est la tâche qui nous est impartie au mois d’Eloul.
En Eloul, on se renforce dans l’étude de la Torah et la pureté
À partir du quinze Av – et donc durant le mois d’Eloul – les nuits s’allongent de plus en plus. À ce propos, Rabbi Eli’ézer le Grand déclare (Ta’anit 31a) :
« Celui qui en profite pour étudier davantage prolonge sa vie, et celui qui n’étudie pas plus périra ! ».
On y trouve une allusion supplémentaire dans le verset (Devarim 29,9 et 10): « Vous vous tenez aujourd’hui, vous tous, devant l’Éternel votre Dieu… depuis le fendeur de ton bois jusqu’au puiseur d’eau. » On peut l’expliquer ainsi : les jours de miséricorde et de repentir commencent le 15 Av, à partir du jour où tu fends seulement ton bois – à ton usage personnel – mais tu ne coupes plus du bois pour le foyer de l’autel, car il est humide et produit beaucoup de fumée (voir Ta’anit 31a). Ils se prolongent jusqu’à Hochan’a Raba, à la fin de la fête de Soucot, pendant laquelle on puisait de l’eau pour les libations sur l’autel.
Il est intéressant de noter que les quarante jours depuis Roch ‘Hodech Eloul jusqu’à Yom Kipour comptent au total 960 heures (40 x 24) correspondant au nombre de kabim contenus dans un bain rituel de quarante seas, car chaque sea comprend 24 kabim, de même qu’un jour entier compte vingt-quatre heures. On peut y voir une allusion à la pureté pouvant être atteinte pendant ces quarante jours semblables à un bain purificateur.
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