Pessah 5778

0
1703

Lors du seder de pessah, la torah ordonne à tout père de famille de susciter la curiosité de ses enfants, et d’apporter une réponse à chacune de leurs questions. Elle se soucie même, de manière tout à fait exceptionnelle, du niveau de compréhension de chaque enfant et
donne quatre réponses différentes adaptées chacune à une catégorie, donnant naissance aux fameux quatre enfants de la haggadah: vient d’abord le fils sage et érudit, le haham, puis le rasha, l’enfant rebelle, et le tam, l’enfant simple, enfin l’ignorant, le sheheyno yodeha lisheol.
Cette attitude de la torah est assez surprenante. Essayons de comprendre ce qui rend cet évènement si exceptionnel pour qu’elle se soucie à ce point de la compréhension des enfants. Il est vrai que la sortie de Mitsraïm est un évènement de très grande importance, puisque nous avons l’obligation de nous en souvenir chaque jour et chaque
nuit, en l’évoquant par exemple dans le shemah. De plus, le premier des dix commandements n’est autre que «Je suis ton Dieu, Celui qui t’a sorti d’Egypte».
Mais n’y a-t-il donc pas eu d’événement autre que celui-ci et qui soit
aussi mémorable ?
De plus, toujours dans la parashah de boh, les bnei israel reçoivent l’ordre de prendre pour chaque famille l’agneau pascal, et, chose surprenante, de l’attacher au pied du lit afin de provoquer les égyptiens, pour qui l’agneau était une divinité, et de ne leur laisser en rien ignorer le sort qu’ils subissaient. Après lui avoir fait la shehita, il leur fallait
récupérer le sang et en badigeonner les linteaux de la porte d’entrée.
Le Midrash nous dit que les trois linteaux représentaient Avraam, Ytshak et Yaacov. La torah ordonne aussi d’agir ainsi ledorotam, c’est à dire de perpétuer cette mitsvah du korban pessah, afin qu’hashem voit le sang sur les portes des bnei israel et les épargne.
Les questions que l’on se pose sont simples: quel besoin avions-nous de provoquer ainsi les égyptiens? Les macot n’avaient-elles pas suffi ? Et quelle est la signification du sang sur les linteaux de porte?
Pourquoi représente-t-il les avot ? Enfin pourquoi nous demander d’accomplir
cette mitsva comme un rituel annuel ledorotam, puisqu’il s’agissait
d’un évènement exceptionnel ?
Le midrash relate qu’au moment où hashem décida enfin de délivrer les bnei israël, les mal’ahim lui demandèrent par quel mérite le peuple d’israël allait connaître cette yeshouah, étant lui-même un peuple idolâtre.
Une des réponses du midrash est que malgré le fait qu’ils étaient ovdei avodah zara, ils n’avaient jamais changé leurs noms, leurs habits et leur langue qui était le lachon hakodesh.
En quoi ces détails pouvaient-ils les sauver ? Il aurait pu s’agir d’une sorte de déguisement !
Voici un mashal d’un des grands maîtres du hassidisme. Il y avait une fois un royaume où, suite à une anomalie, la récolte entière fut porteuse d’un mal étrange, qui causa à tous ceux qui la consommait de devenir fous. Le roi réunit donc ses conseillers et leur
soumit deux solutions potentielles au problème. La première était évidente, il s’agissait de ne pas consommer cette récolte mais il fallait affronter le risque de paraître différent aux yeux du peuple, et donc anormaux. La seconde solution était au contraire de consommer la récolte, comme le peuple, mais qu’il fallait au préalable se marquer le front
avec un signe qui leur rappellerait, chaque fois qu’ils se regarderaient mutuellement, qu’ils ne se trouveraient pas dans leur état normal. Ce fut celle qu’ils adoptèrent. Il arrive que parfois l’homme s’égare, mais il n’est pas toujours responsable de cela car il existe certains
facteurs qui peuvent l’entraîner même contre sa volonté. Notre responsabilité qui doit toujours demeurer est de garder nos repères et d’avoir toujours conscience d’où l’on se trouve, à quelle distance de notre objectif. La torah nous raconte que Kain avait tué son frère Avel et qu’ hashem lui avait pardonné. Le midrash raconte qu’un jour Adam
rencontra Kain et lui demanda : comment est-ce possible qu’hashem t’ait pardonné à toi alors que tu es responsable du meurtre de ton frère à cause de ta jalousie, et moi, qui ai seulement commis la faute de manger le fruit d’un arbre proscrit, j’ai été renvoyé du gan eden ?
Kain lui répondit alors : je me suis repenti tandis que tu as cherché à rejeter la faute sur hava. Adam comprit alors sa faute et rédigea le mizmor du chir chel yom hachabat, où il écrivit : il est bon de Te reconnaître et de Te remercier hashem !
Cette capacité à pouvoir savoir précisément quel est notre projet initial et de ne pas s’égarer et se mentir à soi-même, voilà ce qu’est la midah du emet. Chaque homme est en réalité composé de ces quatre enfants(les mots banim et bynian sont de la même racine). Certains messages de la torah nous sont clairs et nous les acceptons avec sagesse et
amour, nous sommes alors le fameux hacham. D’autre messages nous sont au contraire difficiles à recevoir et à comprendre, et nous nous rebellons, c’est donc que nous sommes le rashah. Certains messages nous laissent indifférents, et c’est la partie tam qui est en nous qui ne réagit pas. Certains enfin nous sont carrément inconnus, et c’est la manifestation du sheeino yodea lishol en nous. Notre rôle est de travailler
sur nous-même afin de combler toutes nos lacunes, même s’il ne s’agit
pas toujours d’une tâche facile. Nous devons garder notre modèle
initial, et toujours essayer de nous en approcher. C’est également la signification du mot ehad dans le shemah, qui est composé de ah et de dalet, qui équivaut à quatre.
Quand un homme réussit à réunir ces quatre enfants, ces quatre parties
de lui-même qui le composent, c’est là que l’on ressent vraiment
la souveraineté d’hashem.
Même s’il est vrai qu’ils étaient devenus ovdei avodah zara les bnei israël n’avaient pas changé leur habillement, ce qui montre qu’ils avaient gardé un modèle et n’étaient donc pas totalement corrompus.
Le nom d’une personne correspond en vérité à sa destinée, ce qui est attendu de lui. On lui donne un nom à la naissance et son rôle tout au long de la vie est de le mériter.
Enfin, le langage d’un homme est en vérité l’expression de ce qu’il est
et de ce qu’il aspire à être, voilà pourquoi on peut juger de ses préoccupations
et de ses aspirations grâce à son parler.
Ce qui veut dire qu’un ben israël aussi a des points faibles mais la différence est que nous ne perdons jamais nos repères. Prendre un agneau et l’attacher au lit n’était pas une provocation mais affirmer notre choix et ceci était indispensable pour qu’achem nous sauve.
Le sang sur les linteaux en citant les avots pour avoir comme repères que le seul message juste est vrai c’est les messages qu’ils ont laissés.
Alors achem nous sauvera car malgré nos faiblesses nous gardons nos valeurs et nos convictions. Il est évident qu’il est très difficile pour ne pas dire impossible d’enseigner à ses enfants une idée que nous-même nous ne sommes pas convaincus et parfois l’enfant est en vérité notre propre reflet et une mitsva qui nous prend à cœur, l’enfant le ressentira
et l’acceptera avec facilité et entrain. Une mitsva qui nous est pénible, l’enfant le ressentira et elle lui sera également pénible ce qui, avec le temps le rendra rebelle.
Soyons clair avec nous-même, renforçons notre emouna personnelle, ainsi nos enfants pourront également se renforcer mais si au fond de nous-même nous manquons de conviction notre enfant sera le premier à le ressentir. Et c’est l’obligation de mentionner la sortie de Mitsraim deux fois par jours afin de garder nos repères d’emouna et nous rappeler
à l’ordre, ceci jusqu’au machiah et l’expression LEDOROTAM
prend toute sa dimension.
Sources : Gvurot achana Rav Cohen.
Rav Ephraïm Cremisi Dayan

Lire au format Pdf