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Telle une route tracée il y a 3500 ans, nous avançons pas à pas, jour après jour, de Pessah jusqu’à Shavouot, vers le mont Sinaï, lieu de la Révélation Divine. A l’instar de nos ancêtres, nous cheminons sur cette voie dessinée il y a si longtemps afin d’y acquérir ce qui nous permettra de nous faire réceptacle de la Torah le 6 Sivan.
Mais qui sommes-nous, alors que nous nous dirigeons vers le Sinaï ?
Lors de Pessah, et ce, chaque année, nous rejouons l’histoire de la sortie d’Egypte. Nous tentons alors de nous libérer de nos entraves, de tout ce qui semble nous limiter, nous aliéner, de toutes les formes de servitudes qui nous oppressent. Lors de cette route vers le Sinai, nous sommes des êtres en devenir, en mouvement. Nous cherchons à retrouver notre vraie identité, notre réelle essence, celle d’un individu qui souhaite s’accomplir un peu plus chaque jour en dénouant les nœuds de la vie.
Durant la fête de Shavouot, nous lisons dans toutes les synagogues le livre de Routh. Il s’agit de l’histoire fabuleuse d’une femme, qui est elle aussi, en devenir et en quête d’identité. Tout au long du récit, nous nous demandons : qui est donc cette jeune femme qui accompagne la pauvre Naomi? Est-elle issue de la noblesse, comme le laisse apparaitre son attitude ou est-elle une misérable en haillons, comme le laisse suggérer son apparence?
Est-elle juive ou est-elle Moabite ? Que fait-elle en Israël avec sa belle mère alors qu’aucun avenir n’y est envisageable pour elle ? Ce brouillard autour de l’identité et de la personnalité de Routh se concrétise dans le texte biblique par les nombreuses fois où la question est littéralement posée : qui est cette jeune fille ? Plus loin c’est Boaz qui l’interpelle directement par cette même question : il lui dit « qui es-tu ? ». C’est qu’en effet, le personnage de Routh est en perpétuel mouvement dans la Meguila . Elle est au départ une princesse Moabite devenue veuve, qui souhaite quitter son pays natal pour rester liée à sa belle-mère – veuve également – et l’accompagner dans son retour vers son pays d’origine, Israël.
Puis, arrivée sur place, elle permet à sa belle-mère de survivre en glanant des épis de blés. Mais ce que cette femme souhaite ardemment, c’est acquérir une réelle identité juive et pouvoir donner à son défunt mari une descendance en accomplissant le lévirat avec un proche parent. Elle fera alors preuve d’un courage exceptionnel en se proposant pour épouse auprès de Boaz, autorité spirituelle suprême du pays. A son retour du champ de Boaz, c’est Naomi qui va lui demander à nouveau :
« qui es-tu, ma fille ? »
ב״ה
La Meguila, ici, se fait l’écho de cette question qui nous habite tout au long du récit : qui est cette jeune femme qui traverse tant de tragédies, pour qui l’avenir se présente si sombre et qui devient pourtant la mère de la lignée du Roi David ? Quelle force l’habite ? Où trouve-t-elle ses ressources ?
Il semble que son adhésion si sincère, si authentique au peuple d’Israël ainsi que son désir ardent à faire revivre un être disparu en lui apportant une descendance ont fait jaillir en elle des capacités inouïes.
En effet, à travers le midrash, nous constatons que Boaz souligne la grandeur de Routh quand celle-ci se présente à lui sous la forme d’une simple ‘ama’- une servante. Il lui objecte qu’elle n’est certainement pas une ‘ama’ mais une ‘ima’ – une matriarche. A travers ce ‘jeu de mots’, Boaz nous rappelle ce que doit opérer en nous la Torah : une libération de nos entraves pour faire émerger une véritable renaissance.
Ainsi, cette jeune femme qui aurait pu tomber dans les oubliettes de l’histoire devient le symbole de l’adhésion sincère à notre Torah et s’inscrit pour l’éternité dans la destinée d’Israël en créant la lignée du Roi Messie .
L’infini de la Thora a fait naitre en elle d’infinies réalisations … car la Thora est en effet, ‘plus étendue en longueur que la terre, plus vaste que l’Océan’, comme l’écrit le verset dans Job 11, 9
R’ Moshé Shapira z’l nous fait remarquer que la comparaison
de la Torah avec les infinies étendues marines fait référence à la
valeur numérique du mot mer qui vaut 50.
Car le cinquantième jour après le libération de Pessah , H’ nous
donne la Torah . Cette Torah a la capacité de transformer la
question existentielle qui concerne chacun d’entre nous : QUI ?
qui est notre être profond ?
En changeant simplement l’ordre des lettres, nous obtenons cette réponse fabuleuse : l’infini ,car nous portons en nous d’infinies possibilités de réalisations et d’accomplissements .
A l’instar de Routh, à nous de les dévoiler !
MARIACHA DRAI